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Coupe du monde 2018. France - Croatie : Raphaël Varane, l'émancipation d'un élève surdoué

L’ancien gamin de Lens, Raphaël Varane, multititré au Real Madrid, a pris une envergure inédite durant cette Coupe du monde 2018. Le fruit, aussi, d’une planification de carrière réglée au millimètre. Portrait.

Il affiche toujours un sourire ultra-bright, le port altier, profil gendre idéal. Le mètre quatre-vingt onze de Raphaël Varane en impose. Plus que jamais. L’enfant de la Gaillette, le centre de formation du RC Lens, est l’un des grands hommes bleus du Mondial.

Il n’a encore que 25 ans et l’envergure prise par le défenseur central saute aux yeux de tous en Russie. « Aujourd’hui, Rapha est capable de se caler dans une régularité de haute performance sur la scène mondiale, résume son ancien éducateur à Lens Olivier Bijotat. C’est certainement une revanche intérieure qui le porte aussi, par rapport à son absence à l’Euro 2016… »

Oubliés, les petites blessures récurrentes qui l’avaient notamment privé de la compétition en France, et ses genoux d’argile, fragilisés durant sa formation par une croissance trop rapide. Exorcisé, le fantôme de l’Allemand Mats Hummels, qui l’avait renvoyé à ses études en quarts de finale du Mondial 2014 sur un duel aérien fatal à l’équipe de France.

Raphaël Varane est devenu le pilier que les Bleus attendaient. Capable de tirer la quintessence d’une expérience de sept années au Real Madrid, de quatre succès en Ligue des champions, de quarante matches dans la reine des compétitions, de luttes acharnées en Liga, chaque week-end, face à quelques-uns des meilleurs attaquants de la planète. « Il a tellement goûté à la culture de la gagne au Real que c’est devenu un assoiffé de titres, reprend Olivier Bijotat. C’est un cheminement global, avec une progression rationnelle, très graduelle, à l’image de ce qu’il montrait déjà au centre de formation de Lens… »

« Une capacité de raisonnement remarquable »

Olivier Bijotat l’a dirigé trois années dans le Nord. En 2010-2011, il en avait fait son capitaine en CFA. Cela avait duré 9 matches : le 7 novembre 2010, le coach de Lens Jean-Guy Wallemme l’avait appelé pour son premier match de L1, face à Montpellier.

Il n’allait plus quitter le onze de l’équipe fanion. « La première fois que je l’ai côtoyé, c’était en U14 Fédéraux, se souvient son formateur. Il cultivait déjà à l’époque une très grande capacité d’écoute. En CFA, vous passiez dans le vestiaire après l’entraînement, et Rapha était systématiquement le dernier à le quitter. Il prenait son temps pour assurer un retour au calme, une récupération sur lui-même… Il était surtout dans l’analyse de la séance : j’ai réussi ça, pas ça, pourquoi, comment… Il venait même taper à ma porte pour demander des compléments d’explications sur ce qu’il devait faire. Il a une capacité de raisonnement remarquable qui l’a mené à construire son métier. »

Varane lors de son but face à l'Uruguay. | Photo : AFP

Raphaël Varane faisait la même taille qu’un poussin 2e année, quand il a débuté à Hellemmes, dans la banlieue de Lille. Chaperonné par Gaston, son papa martiniquais, ancien joueur et entraîneur de foot, il a vite abandonné le rugby pour bifurquer vers le ballon rond, suivant les pas de son grand frère Anthony, son premier modèle, ancien attaquant devenu son avocat. « Dans le jardin, les enfants s’amusaient à envoyer la balle chez le voisin, mais Raphaël a vite compris que le football, ce n’était pas ça, a raconté Gaston au journal espagnol Marca. Je leur montrais les contrôles de balle, la bonne manière de s’améliorer. Raphaël a vite appris à jouer les duels, à récupérer le ballon sans tacler. »

Son socle éducatif très strict est l’une des clés de sa réussite. Sa mère, professeur d’Anglais, a couvé l’adolescence du fiston, notamment sur le plan de sa scolarité. Jusqu’à son Bac ES, obtenu en juin 2011, juste avant qu’il ne signe au Real Madrid contre 10 millions d’euros.

« Je suis en train de réviser, pouvez- vous me rappeler plus tard ? »

L’anecdote est restée célèbre : au printemps de cette année-là, Raphaël Varane bachotte entre chaque séance d’entraînement, pendant les mises au vert. Zinédine Zidane, alors superviseur du Real, lui téléphone pour le convaincre de signer chez les Merengues. « Monsieur, je suis en train de réviser, pouvez-vous me rappeler plus tard s’il vous plaît ? »

La suite, on la connaît. « Rapha a connu un gros développement dès l’instant où il est parti au Real, détaille Olivier Bijotat. Il n’a pas hésité à y aller, car la première année, Mourinho avait bâti un vrai plan de post-formation, avec toutes les garanties nécessaires, sans lui demander des choses impossibles au départ. Tout avait été stipulé, le nombre de matches prévus… Son intégration a été très méthodique, ils ont assuré une belle transition. » Tout, chez Raphaël Varane, semble avoir été planifié au millimètre, depuis le commencement. Sans aucune faute, ou presque, et sans jamais le moindre excès. Trop beau, trop lisse, finalement ?

Varane lors de son but face à l'Uruguay. | Photo : AFP

Pendant un temps, certains observateurs ont reproché à Varane de s’être laissé enfermer dans une bulle où tout devait être contrôlé. Le joueur, très soucieux de son image, s’est créé une sorte de carapace.Varane n’avait guère goûté non plus quelques critiques de médias français sur son manque d’aura en équipe de France. Durant ce Mondial, en zone mixte, il a systématiquement snobé les journalistes nationaux après les matches, ne s’arrêtant qu’aux micros des Ibériques…

« Il s’extériorise beaucoup plus »

Son manque de leadership ? Il l’a corrigé en Russie, maturité aidant. « Des responsabilités, j’en ai pas mal depuis quelques années, j’ai eu le brassard à 21 ans en équipe de France, rappelle l’intéressé. Avec le temps, le vécu, on grandit, c’est normal. Mais l’essentiel est de rester moi-même, de ne pas jouer un rôle. »

Olivier Bijotat embraye : « On est toujours dans l’idée de demander à un défenseur central d’être un aboyeur, mais Rapha, c’est d’abord par son expression dans le jeu qu’il va donner des choses supplémentaires à ses partenaires. Et puis il y a ce qui se passe aussi autour, avant, dans le vestiaire… C’est peut-être dans ce moment-là que Rapha dépose le plus auprès des autres joueurs. Quand vous les écoutez… »

Paul Pogba, par exemple : « C’est un patron, il a ça dans le sang ! Il a toujours parlé dans le vestiaire, on dirait que ça fait 20 ans qu’il est dans le foot, et il a grandi avec le groupe. Au Mondial 2014, il ne pouvait pas apporter ce qu’il dégage aujourd’hui. » Selon Blaise Matuidi, « Rapha a passé un cap, il s’extériorise beaucoup plus aussi, ça nous aide énormément. »

Le temps de l’émancipation est venu, y compris vis-à-vis de Sergio Ramos, son compère de l’axe au Real, dont il semblait suivre l’ombre. S’il soulève la Coupe du monde tout à l’heure, Raphaël Varane prendra encore plus la lumière.

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