Jesperi Kotkaniemi est adorable. Gentil. Souriant. Avenant.
Le gendre idéal.
Il est aussi un leader-né. Après l’élimination hâtive du Canadien, en avril, il aurait pu suivre le soleil à Aruba ou Maui. Non. Il s’est rendu à Ottawa, en Ontario. Pour encourager un futur coéquipier, Nick Suzuki, qui participait aux séries dans le junior majeur avec le Storm de Guelph.
Autre exemple. Après le tour du chapeau de Ryan Poehling lors de son premier match en carrière, Kotkaniemi s’est assuré que le héros du jour célèbre son exploit en grand. Il l’a sorti – avec ses frères – au centre-ville de Montréal. Une attention que la famille Poehling a appréciée.
Ces épisodes de leadership, « c’est de la musique à nos oreilles », me disait récemment le DG Marc Bergevin.
Mais KK est encore très jeune pour prendre le rôle [de grand frère]. Il a seulement 19 ans.
Marc Bergevin
Au même âge, Nick Suzuki était dans le junior majeur. Ryan Poehling, à l’université. Jesperi Kotkaniemi, lui, a déjà terminé une saison complète dans la LNH. Un exploit. Seuls quatre joueurs repêchés en 2018 sont restés dans la ligue tout l’hiver. Ses débuts ont été remarquables. Le grand Finlandais a fait preuve d’une vision du jeu exceptionnelle. Surtout en possession de rondelle lors des transitions vers la zone offensive.
Puis ça s’est gâché.
Aucun but à ses 18 dernières parties.
Son temps de jeu a fondu comme un Popsicle dans la canicule.
Pourquoi ? Essayait-il d’en faire trop ?
« C’est sûr que le dernier quart, ç’a été plus difficile pour lui, reconnaît Marc Bergevin. Une des raisons, c’est qu’en Europe, tu joues [seulement] 45 matchs par année. Cet été, il a eu un bon entraînement. J’espère qu’il va partir plus fort. »
C’est vrai, Jesperi Kotkaniemi a pris du coffre. Beaucoup. Une quinzaine de livres. Il est revenu d’Europe plus fort. Plus intimidant. Sauf qu’il ressemble à un ado qui grandit trop vite. Qui cherche à comprendre comment fonctionne son nouveau corps. Mercredi, à Bathurst, il n’a impressionné personne.
Un jeune comme ça, avec son talent, il va atteindre sa maturité à 23, 24 ans.
Marc Bergevin
« Il a encore des croûtes à manger. Il aura des périodes difficiles. Ça ne veut pas dire qu’il n’est pas bon. Regarde Phillip Danault. Ça lui a pris un peu plus de temps. On est allés le chercher dans les mineures à Chicago. Il a connu des hauts et des bas. Mais l’année dernière, il a eu une bonne saison. »
Vu de l’extérieur, Jesperi Kotkaniemi semble un cas classique du syndrome du premier de classe. Un prodige qui a dominé partout et qui affronte l’adversité pour la première fois. Pensez à Vincent Lecavalier, à ses débuts avec le Lightning. Plus récemment, à Jonathan Drouin, aussi à Tampa. Dans ces situations, l’angoisse peut étouffer un athlète.
Comment une équipe peut-elle gérer cette situation ?
« C’est le travail des entraîneurs, m’explique Marc Bergevin. Moi, comme directeur général, je suis là en dernier recours. L’année dernière, j’ai pris un café avec lui. Quand j’interviens, c’est plus souvent pour le côté humain. Comment tu te sens ? Ta famille ? Tu dois l’encourager, lui expliquer [les choses]. Tu dois renforcer le message positif. J’ai joué dans la LNH à 19 ans. Je sais comment ça se passe. Oui, la game a changé. Mais l’atmosphère, pour un jeune, c’est resté pareil. »
***
Pendant que Jesperi Kotkaniemi cherche ses repères, Ryan Poehling fait ses marques. L’Américain a excellé la saison dernière, tant avec le Canadien qu’avec l’équipe nationale. Il a ébloui tout le monde au tournoi des recrues. Il s’est distingué au camp d’entraînement.
Il brillait tellement fort cette semaine qu’il était en train d’éclipser son « grand frère ». J’en parle au passé, car on a appris hier que Poehling souffrait d’une commotion cérébrale. Et les commotions, c’est comme les rénovations dans une cuisine. On sait quand ça commence, mais pas quand ça finit.
C’est vraiment dommage pour le jeune espoir. Il commençait à forcer le Canadien à lui faire une place. Pas juste dans l’alignement. Sur une des trois premières lignes. Peut-être à l’aile. Mais de préférence au centre, sa position naturelle. Là où la direction du Tricolore le voit à long terme.
Ironiquement, au centre, Poehling aurait lutté avec son ami Kotkaniemi pour du temps de jeu de qualité et de meilleurs ailiers. Sa commotion cérébrale reporte le débat.
La discussion n’aura pas lieu la semaine prochaine. Ni la suivante. Peut-être jamais.
Mais pour faire l’économie de ce débat, Jesperi Kotkaniemi devra « manger ses croûtes » et prouver rapidement à tout le monde qu’il a aussi faim que Ryan Poehling.
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