Search

Quand on était tous Rusty Staub

Montréal traversait une période fabuleuse lorsque les Expos et Rusty Staub sont débarqués au parc Jarry en 1969. La ville s’ouvrait sur le monde et faisait parler d’elle pour ses réalisations innovatrices. Notre métro tout neuf roulait sur un système pneumatique. Le pont-tunnel Louis-Hyppolite-Lafontaine était une première mondiale sur le plan de son ingénierie.

On avait reçu des gens provenant de partout sur la planète à l’Expo 67. Notre club de hockey gagnait la coupe Stanley régulièrement. « Québec sait faire ! » disait un slogan. On était fiers.

Probablement en raison de ce contexte et de la nouveauté des Expos, on s’est connecté tout de suite avec Rusty Staub. Son arrivée avait été marquée par un grand battage publicitaire. Il était un joueur établi avec les Astros de Houston quand les Expos l’ont acquis dans une transaction qui aurait pu avorter.

Donn Clendenon, que les Expos avaient réclamé au repêchage de l’expansion, avait refusé de se rapporter aux Astros. Ces derniers demandèrent que l’échange soit annulé. Le commissaire Bowie Kuhn s’en était mêlé.

Les Expos ont cédé les lanceurs Jack Billingham et Skip Guinn, en plus d’un montant de 100 000 $ aux Astros, en guise de compensations. Jesus Alou, qui faisait partie de la transaction originelle, est resté à Houston et Clendenon avec les Expos.

On était ravis à Montréal. Il était rare à l’époque qu’une équipe de l’expansion puisse mettre la main sur un joueur de grande valeur.

Le Club des jeunes Expos

Staub est resté égal à lui-même sur le losange. À l’extérieur du terrain, on a découvert un homme qui faisait attention à son image et qui avait le sens des relations publiques.

Sa popularité était telle que le directeur général des Expos, Jim Fanning, a communiqué avec le gérant d’affaires de Jean Béliveau, un dénommé Gerry Patterson, pour l’inviter à rencontrer Staub et lui demander s’il voulait lui confier la responsabilité de ses affaires. Après une rencontre à l’ancien restaurant La Diligence, qui était situé sur le boulevard Décarie, Staub devenait le deuxième gros client de Patterson.

Dans sa biographie À l’ombre de nos étoiles publiée en 1978, Patterson raconte comment s’était passée la mise sur pied du Club des jeunes Expos parrainé par la Banque de Montréal et dont Staub était président.

La banque pensait enrôler 30 000 jeunes, mais avant même que Staub n’ait complété sa première saison à Montréal, quelque 75 000 jeunes avaient rempli le formulaire d’adhésion. Le club comptait 9000 jeunes filles.

Présent partout

Conscient du pouvoir d’attraction que son image lui apportait, le grand Orange a suivi une quarantaine de cours de français et on le vit bientôt partout à la télévision. Un samedi soir, il fit l’énumération des 10 meilleurs succès de la semaine à Jeunesse d’aujourd’hui, aux côtés de Pierre Lalonde.

On le voyait partout, y compris sur les boîtes de céréales Wheaties qui déboursèrent, tenez-vous bien, 5000 $ seulement pour mettre sa photo sur les boîtes. Mais il empocha plus d’argent avec la Banque de Montréal. Son contrat lui rapportait 40 000 $ annuellement, une somme assez considérable dans le temps.

Staub et les Expos étaient aussi populaires que Béliveau et le Canadien.

Des bâtons pour tout le monde !

À ma deuxième visite au parc Jarry, le 18 mai 1969, des milliers de bâtons de baseball, gracieuseté de la saucisse Hygrade — dont la publicité télévisée disait : « Plus de gens en mangent parce qu’elles sont plus fraîches et elles sont plus fraîches parce que plus de gens en mangent » —, furent distribués.

Plus de 29 000 personnes prirent d’assaut le petit stade de la rue Faillon par un dimanche pluvieux. Il manqua de bâtons, mais chez Hygrade, les bâtons de baseball étaient comme la saucisse. Plus les jeunes en voulaient, plus ils en donnaient.

Le lendemain, sur le coup de 18 h, un camion rempli de bâtons s’arrêta derrière les estrades populaires pour distribuer des bâtons à ceux qui n’en avaient pas eu la veille. Il suffisait de présenter son talon de billet.

En cette journée de mon 15e anniversaire de naissance, je reçus un bâton signé Rusty Staub. C’était un petit bâton pour les jeunes, mais qu’à cela ne tienne, mes amis et moi lui avons fait honneur jusqu’à ce qu’il tombe au combat.

On était tous Rusty Staub !


Il y a des moments tristes qui frappent l’imaginaire collectif. Dans le cas de Rusty Staub, ce fut la transaction qui le fit passer des Expos aux Mets de New York durant le premier conflit de travail à survenir dans le baseball majeur en 1972.

Les joueurs en étaient à une cinquième journée de grève lorsque Staub passa aux Mets en retour de jeunes joueurs, Mike Singleton, Tim Foli et Mike Jorgensen, le 5 avril. C’était la consternation à Montréal !

Des négociations contractuelles ardues causèrent son départ. C’est ce qui l’avait sorti aussi de Houston. Contrairement à la plupart des joueurs de l’époque, Staub ne fléchissait pas quand il parlait affaires. Il était en avant de son temps

Solide argument

Après avoir donné trois bonnes saisons aux Expos, il demanda un salaire annuel de 100 000 $. Question de se conformer à un règlement en vertu duquel les équipes devaient faire une première offre à leurs joueurs pas plus tard que le 15 janvier, les Expos proposèrent pour le salaire que Staub toucha en 1971, soit 67 500 $.

Le principal argument de Staub était qu’il avait été avec le grand Roberto Clemente et Matty Alou le seul autre joueur à terminer parmi les 10 premiers frappeurs de la Ligue nationale de 1967 à 1971. Ses demandes allaient comme suit : 300 000 $ répartis sur trois ans ; qu’une somme de 50 000 $ soit prélevée sur son salaire et déposée dans une fiducie à son nom ; le droit de se servir du logo et de l’uniforme des Expos à des fins de contrat publicitaire ; un boni de 5000 $ si les Expos attiraient 1,3 million de spectateurs et un autre de 5000 $ si les assistances atteignaient 1,4 million de personnes.

Les Expos lui firent quelques propositions, dont la finale consistait en un salaire de 99 000 $ pour un an. Gerry Patterson a toujours cru que les dés étaient pipés avant l’échange qui envoya Staub à New York. Le 18 avril 1972, Staub revenait au parc Jarry dans l’uniforme des Mets. J’y étais. Le temps était gris et froid. Notre affection pour les Expos avait baissé un peu.

Let's block ads! (Why?)

http://www.journaldemontreal.com/2018/03/30/quand-on-etait-tous-rusty-staub

Bagikan Berita Ini

Related Posts :

0 Response to "Quand on était tous Rusty Staub"

Post a Comment

Powered by Blogger.