Faut-il céder de rares terrains publics magnifiquement situés à Montréal pour le projet de stade… d’une moitié d’équipe de baseball ?
Une équipe possédée et contrôlée par un homme d’affaires américain ?
La question est importante et se pose déjà à l’administration de Valérie Plante. À la lumière des récents développements, je ne vois pas pourquoi on dirait oui.
Samedi, dans Le Journal de Montréal, Stephen Bronfman déclarait que son groupe d’hommes d’affaires n’avait pas les moyens d’acquérir une nouvelle équipe de baseball, dans l’éventualité d’une expansion des rangs du Baseball majeur. Une nouvelle équipe, si jamais on passait de 30 à 32, coûterait entre 2 et 3 milliards américains.
La seule option envisagée présentement est une « garde partagée » avec l’équipe de Tampa Bay, les Rays. La moitié des matchs auraient lieu à Tampa, la moitié à Montréal. Une saison de baseball comptant 162 parties, ça laisserait 40 ou 41 matchs par ville.
Il va de soi que dans un tel modèle, les revenus au guichet, au parking, dans les concessions viennent de diminuer de moitié ou, du moins, sont partagés entre deux stades. Pour Tampa, qui peine à attirer des spectateurs malgré des succès sportifs relatifs, ce n’est peut-être pas si mal que de concentrer la saison.
Ce ne sera pas « les Expos », d’ailleurs, puisqu’il faudra un nom commun nouveau. Les Montréalais s’y attacheront-ils ? On ne connaît pas de cas semblable dans tout le sport professionnel.
Plus étonnant encore, M. Bronfman disait au Journal de Montréal que son groupe allait acquérir sous peu des actions (jusqu’à 30 %) des Rays. Mais aussitôt faite, l’affirmation a été démentie par Stu Sternberg, propriétaire des Rays. Pas question de vendre une partie de son équipe tant qu’il n’y a pas de stade !
Ce qui nous ramène à la question de départ : faut-il céder ces terrains stratégiques pour un projet aussi fragile ?
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Il y a peut-être un plan secret dont Stu Sternberg ne peut pas parler, qui est de quitter Tampa aussitôt le bail terminé en Floride, en 2028.
Sauf qu’on n’engage pas une décision urbanistique aussi importante sur une base aussi nébuleuse.
On ne connaît pas non plus le montage financier. M. Bronfman disait il n’y a pas si longtemps que l’argent « ne sera pas un problème » le moment venu.
Maintenant, on voit qu’il ne peut pas acheter un club.
Son groupe sera-t-il un des rarissimes à ne pas demander de fonds publics pour la construction d’un stade ? Est-ce que ce serait une « contribution » d’appoint ou un vrai financement public, comme ils le demandent systématiquement aux États-Unis ?
Il est vrai que le baseball a instauré un partage des revenus. Avec la péréquation entre les 30 équipes et les revenus de télé nationaux, chaque équipe commence l’année avec plus de 200 millions américains.
Ça n’en demeure pas moins un sport où les salaires continuent d’exploser. Onze joueurs gagnaient 28 millions ou plus l’an dernier. Les parties s’éternisent. La clientèle est vieillissante.
Et vous offrez une équipe à temps partiel contrôlée par un homme sans attache montréalaise ?
Bonne chance à tous.
Rien n’est impossible, remarquez bien. Tant mieux si ça fonctionne.
Qui veut se risquer ? À qui la chance ? Y a-t-il un gérant de caisse populaire intéressé à avancer quelques billets ? Non ?
Moi non plus.
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Il ne s’agit pas d’être pour ou contre le retour des Expos. Tout le monde est pour. La question est de savoir à quelles conditions, au bénéfice de qui, et au risque de qui.
Les propriétaires ont l’habitude de menacer les villes et les États d’un déménagement si on ne leur paie pas un nouveau stade. Et ça fonctionne à fond ! On vous transbahute des équipes de football, de baseball, de basket d’un État à l’autre, parfois d’une banlieue à l’autre, on voit des villes payer l’hypothèque de stades détruits, d’autres s’endetter ridiculement en prétendant refaire des quartiers (alors que la revitalisation se passe très bien de stades), c’est de toute beauté.
Le groupe Bronfman n’a pas ce levier. Il ne peut pas même promettre une équipe proprement montréalaise.
Il n’a pas non plus l’argument de la rationalité économique. Depuis longtemps déjà, les économistes ont démontré que le financement public des stades ne génère aucun gain économique durable – sauf pour les entreprises de construction, des propriétaires déjà ultra-riches et des joueurs d’une industrie dopée par l’argent public.
Des projets d’infrastructures créent des retombées collectives beaucoup plus durables.
Ces terrains, Montréal peut les faire développer de toutes sortes de manières. Un stade ? Ce serait très bien. M. Bronfman a un beau projet. Un stade « vert » en plus. Rien contre, vraiment rien du tout. J’irais !
Mais pas aux frais des administrés de cette ville, déjà lourdement taxés.
Sans un plan digne de ce nom, sans une preuve qu’il incombe au groupe Bronfman de présenter, cette demi-portion d’Expos est comme ces oasis imaginaires dans le désert : un mirage qui s’éloigne chaque fois qu’on s’en approche.
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